« Donnez-leur vous-mêmes à manger »
Chers Frères dans l’unique sacerdoce du Christ,
Prêtres de Jésus-Christ.
Chaque année, l’Eglise nous rassemble, en présence du peuple de Dieu, pour nous souvenir du jour où le Christ, le Prêtre éternel, nous a rendus participants de son sacerdoce. Nous voici pour rendre grâce, pour ce don merveilleux qui a fait de nous un don du cœur de Jésus et pour renouveler entre les mains de l’évêque, nos promesses sacerdotales.
C’est un jour de pèlerinage spirituel, jour où tous les prêtres, unis dans la foi à leur Évêque et conduits par lui, reviennent à la source de ce grand mystère d’amour, et pour revivre le mystère de leur être sacerdotal.
C’est aussi l’occasion de méditer un autre mystère: l’humilité de Dieu. Dieu qui se fait humble pour se laisser dans les mains des hommes, les mains de sacrificateurs, ces mains ointes le jour sacré de leur ordination, jour où il leur a dit : « Tu es prêtre à jamais selon l’ordre du Roi Melchisédech. »
Cette célébration manifeste aussi l’unité de toute la communauté diocésaine autour de l’évêque, car nous ne sommes pas ordonnés prêtres pour nous-mêmes, mais nous le sommes pour être les intendants des sacrements du Seigneur. C’est pour cela, qu’en présence du peuple de Dieu, je consacrerai le saint-chrême et je bénirai les autres huiles en vue de la sanctification du peuple de Dieu.
Chers Pères,
Parmi les promesses sacerdotales, nous pouvons mentionner entre autres, la promesse de vivre toujours plus unis au Christ, de célébrer les sacrements et d’annoncer la parole de Dieu.
Je voudrais m’arrêter sur une promesse en particulier : celle de célébrer l’eucharistie pour nous nourrir et nourrir nos frères et sœurs, du pain de vie et de la coupe du salut. C’est pour cela que les mots du Seigneur à ses amis, ces mots que nous venons d’entendre dans l’évangile, résonnent en nous de façon particulière. Ces mots sont : « donnez-leur vous-même à manger ». Et si par crainte, nous lui disons comme les disciples, « comment veux-tu qu’on donne à manger à ses milliers d’hommes et de femmes qui ont faim, il nous dira, comme jadis, « je suis le pain de vie, je suis la vraie boisson » autrement dit, je vous demande, non pas de vous mettre en route pour aller trouver de quoi nourrir mon peuple, mais de me donner à eux, par vos mains et par votre exemple. De me donner au monde, car le monde à faim de moi, il a soif de l’absolu mais il ne sait pas où me trouver.
Chers Pères,
Donnez-leur vous-même à manger,
Tel est l’appel renouvelé que le Seigneur nous adresse en ce jour. Il nous confie le peuple qu’il s’est acquis au prix de son sang et nous demande de le sanctifier par le don de lui-même.
Chers Amis, prêtres de Jésus Christ et de l’Eglise,
Dieu se penche sur la faim et la soif de l’homme. Il est saisi de compassion de voir, son peuple affamé et sans berger; chacun allant selon son propre désir, dans des chemins d’impasse et de mort.
Dans l’évangile que nous avons médité, le Christ dit à ses apôtres et à ses disciples : « Je suis saisi de compassion pour cette foule, car depuis trois jours déjà ils restent auprès de moi, et n’ont rien à manger. Je ne veux pas les renvoyer à jeun, ils pourraient défaillir en chemin. »
Les disciples ont vu eux aussi la faim et la soif de la foule, mais ils avaient vu aussi et surtout leur incapacité, leur impuissance à nourrir une foule avec quelques pains. Ils avaient considéré leur poche et leur caisse où il n’y avait pas grand-chose. Ils ont été effrayés par le lieu où ils se trouvaient : un désert ! « Où trouverons-nous dans un désert assez de pains pour rassasier une telle foule ? »
Ils n’avaient pas compris que celui qu’ils ont suivi jusqu’au désert avait le pouvoir de les nourrir par la puissance de sa parole :
« Seigneur avec toi nous irions au désert. Poussés comme toi par l’Esprit. Et nous mangerons la parole de Dieu ».
Chers Frères Prêtres de Jésus Christ,
Cette parole nous est confiée, à nous ses prêtres, afin qu’elle multiplie comme jadis, le don de Dieu, le Christ qui s’est remis entre nos mains, afin que nul ne soit laissé affamé.
Les pauvres mangeront et seront rassasiés,
Chers Pères,
Notre vie de prêtres ou d’évêque ne ressemble-t-elle pas souvent à celle des disciples de Jésus dans le désert ?
Parfois, le découragement peut nous saisir, le sentiment qu’on n’y arrivera jamais. Les disciples ont d’abord demandé à Jésus de renvoyer la foule. Comment nourrir une foule avec quelques pains ? « L’endroit est désert et l’heure est déjà avancée. Renvoie donc la foule : qu’ils aillent dans les villages s’acheter de la nourriture ! » Comment faire autrement ? Leur inquiétude est compréhensible.
Ne sommes-nous pas effrayés et impuissants nous aussi devant la caisse presque vide de la paroisse où l’Eglise nous envoie ? Nous disons nous aussi « où donc trouverai-je le nécessaire pour ma mission de prêtre curé, de vicaire, de directeurs des œuvres, d’aumônier….comment tenir comme prêtre dans ce désert ou dans cette paroisse, si loin de tout.
Cette question incontournable au vu de la charge et des moyens dont nous disposons, est la prise de conscience que, sur le plan purement humain, nous sommes démunis devant l’ampleur de la tâche.
Jésus l’entend et il nous répond, il nous demande: « Combien de pains avez-vous ? » Combien de pains as-tu ?
Les pains dont il s’agit, ce sont nos personnes, fragiles et si limitées. C’est notre participation, notre disponibilité et notre générosité, notre amour pour le Christ et pour l’Eglise. Pour nourrir son peuple, le Seigneur est lui-même le pain descendu du ciel pour la multitude, mais il a voulu avoir besoin de nous, et de notre confiance. La force qu’il nous a donnée, le jour où il nous a consacrés par l’onction, cette force demeure avec nous. Comme à Gédéon, le Seigneur dit à chacun : « n’aie pas peur, va avec la force que tu as ». (Jg 6,14)
Le Seigneur répond toujours à nos demandes pour son Peuple, il nous comble au-delà de nos demandes. Mais attention à la tentation qui guette l’enfant prodigue, l’enfant comblé. Et cette tentation est très grande aujourd’hui avec les réseaux sociaux. Parfois nous sommes très comblés, enrichis de la grâce et des dons de Dieu; et nous cherchons à témoigner de ce charisme sur les réseaux sociaux, spécialement sur Facebook et sur TikTok. Notre témoignage est parfois une démonstration qui oublie Dieu, l’auteur de tout charisme dans son Eglise et pour son Eglise. Comme dirait un Pasteur de notre temps la tentation ou le danger d’Antichrist est toujours présent et actuel. Comme par exemple de simple félicitation d’un Père ou d’une mère de famille qui vient dire au prêtre « mon Père, mon fils que vous avez béni le jour de l’examen a réussi à son concours et il est sorti premier du centre ». Au lieu de féliciter l’enfant qui a appris ses leçons et qui a prié Dieu avec le prêtre, le père de l’enfant croit que c’est la bénédiction du prêtre qui a aidé l’enfant. Le danger est grand quand je crois que la lumière de la réussite c’est sa prière et non le Christ.
Frères et Sœurs en Christ,
A la messe Chrismale, vous êtes invités à prier pour vos prêtres, afin qu’ils trouvent dans leur ministère la joie de servir.
Prions ensemble pour que grandisse en nous l’amour de l’Eucharistie.
En ce jour où nous rendons grâce pour le beau don du sacerdoce, demandons à la Vierge Marie, Mère des prêtres, notre Dame de la Confiance et du Lendemain Meilleur, demandons-lui d’être avec nous à la suite du Christ et à son exemple.
Nous sommes les fils privilégiés de la Vierge Marie, ceux à qui Jésus a dit « voici ta mère » !
Que par la grâce de l’ordination sacerdotale, nous soyons aujourd’hui et toujours des ministres pleins de zèle du Saint Sacrement. Prions pour entendre sans cesse le Seigneur nous dire « donnez-leur vous-mêmes à manger ». Et soutenus par sa grâce toute suffisante, nous le ferons pour la gloire de Dieu et le salut du monde !
Amen !