Tu es Seigneur, le lot de mon cœur, tu es mon héritage. En toi Seigneur, j’ai mis mon bonheur, toi, mon seul partage.
Chers Frères et Sœurs en Christ,
Nous sommes rassemblés autour des cercueils de deux prêtres, Emile AMOUZOU-DAYE, et Gustave TODOKO, et devant l’autel de Dieu, où durant leur ministère, ils ont annoncé la mort du Seigneur et célébré sa résurrection. Ce matin, nous venons les confier à la miséricorde de notre Dieu qui les as choisis et consacrés à l’image de son Fils, le Prêtre éternel.
Messagers de la joie pascale, ils ont aimé l’Eglise et leurs frères. La maladie et le handicap qu’ils ont endurés pendant de longues années, n’ont pu les ébranler, car ils avaient remis leur vie entre les mains du Père.
Notre présence ce matin est aussi le témoignage de notre affection, de notre amitié et de notre prière pour eux. Beaucoup, parmi nous, les ont connus, et gardent un souvenir, une parole venant d’eux, qui les ont relevés et remis en route. Nous disons merci au Seigneur pour leur vie et leur exemple.
Frères et Sœurs,
Au début de notre méditation, permettez-moi de partager avec vous mon témoignage et mon privilège d’avoir cheminé avec les Pères Emile AMOUZOU-DAYE et Gustave TODOKO. Deux mots, deux qualités, les unissent dans mon souvenir: obéissance et fidélité.
Par l’obéissance du prêtre, je veux dire, la disponibilité intérieure du prêtre qui lui fait rechercher non pas sa propre volonté, mais la volonté de celui qui l’a envoyé. Les Pères AMOUZOU-DAYE et TODOKO, ont compris que « le ministère sacerdotal étant le ministère de l’Eglise, on ne peut s’en acquitter que dans la communion hiérarchique du corps tout entier » (Presbyterorum Ordinis, 15).
Le 2ème mot qui caractérise nos deux regrettés prêtres, c’est la fidélité. La fidélité ! Oui, elle n’est pas facile à trouver, elle est rare, elle devient rare. Un témoin de notre temps, a dit: aujourd’hui, on zappe sur la fidélité comme on zappe avec sa télécommande. Et l’auteur du Livre des Proverbes déjà, constatait : « Beaucoup de gens proclament leur bonté ; mais un homme fidèle, qui le trouvera ? » (Proverbes 20, 6).
Très concrètement, j’ai vu la fidélité des Pères AMOUZOU-DAYE et TODOKO à leur ministère, leur fidélité à l’évêque dans les bons et les mauvais jours, dans la joie comme dans l’épreuve.
S’agissant à présent de chacun d’eux en particulier, je dirais que le Père Emile AMOUZOU-DAYE parlait peu. Comme tous ceux qui vivent dans la conscience de la présence de Dieu, il était un homme de prière, tourné vers l’Esprit Saint, l’Hôte intérieur. Cofondateur, avec la regrettée Sœur Marthe HERMAN de la Congrégation des Sœurs de Notre Dame de Nazareth, en 1983 à Ona dans le diocèse d’Atakpamé, le Père Emile AMOUZOU-DAYE avait perdu la vue depuis plus de 6 ans. En lui, il n’y avait, ni murmure, ni amertume, mais une foi constante et agissante qui le rendait fort dans l’épreuve de la maladie. Comme Antoine de St Exupéry dans le Petit Prince, le Père AMOUZOU-DAYE avait compris qu’« on ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux ».
Son mot ou expression préférée était « merci ». Toujours souriant, il exprimait en peu de mots sa confiance en Dieu et sa reconnaissance aux hommes. Je rends grâce à Dieu pour son témoignage dans la souffrance. Diminué physiquement, il était resté ferme dans son union au Christ souffrant. Chaque fois que nous nous voyons, il me disait combien il sentait en lui l’importance de prier pour moi, car disait-il, la tâche des évêques est difficile à porter : « édoa sèsè ». Il disait aussi son impatience de rejoindre la maison du Père.
Le Père Gustave TODOKO, fut mon compagnon de promotion. Nous sommes entrés au grand séminaire saint Gall de Ouidah, le même jour, le 1er octobre 1977. Dans le groupe, il y avait aussi Mgr Célestin-Marie GAOA et les Pères Emmanuel AMOUZOU-DAYE, Michel BADAGBOR, Boniface OLYMPIO qui sont ce matin avec nous pour cette célébration et que je salue bien fraternellement. Le Père Gustave TODOKO et moi, avons terminé notre formation à Ouidah au même moment, en juin 1984. Ensemble, nous avons ensuite cheminé pendant près de 47 ans.
Je garde le souvenir de son grand amour du sacerdoce. Il en connaît la valeur et défendait son intégrité. C’était un prêtre joyeux. Ni la maladie, ni la faiblesse du corps, ni la calomnie, ni les médisances, rien n’a pu enlever sa joie de prêtre. Il avait la force de ses convictions et il disait ce qu’il pensait sans détours.
J’ai pu voir en lui ce que le Pape François dit à propos de la joie du prêtre : “La joie du prêtre est un bien précieux non seulement pour lui mais pour tout le peuple fidèle de Dieu”. Un prêtre joyeux est un témoignage et une réponse éloquente à ceux qui, comme le philosophe allemand Nietzsche, trouvait étrange de voir des chrétiens qui n’exprimaient pas leur joie de ressuscités. Il disait : « Je croirais en Dieu lorsque les chrétiens auront des visages de ressuscités (et non des visages tristes). Le Père TODOKO avait ce visage joyeux. Pourtant, il aura été un prêtre méconnu, incompris, à cause peut-être de sa rigueur et son souci de l’idéal chrétien.
Comme je le disais tantôt au sujet du Père Emile AMOUZOU-DAYE, je n’oublierai pas la constance de sa prière pour ma mission, ses encouragements et son soutien. Je garderai dans un cœur reconnaissant les messes quasi quotidiennes à mes intentions, car, disait-il, si les prêtres ont le souci de leur paroisse, l’évêque a le souci de toutes les paroisses. Il me parlait de la nécessité pour les prêtres de bien préparer leurs homélies et surtout, de ne pas crier sur l’auditoire, comme si ceux qui nous écoutent étaient sourds. Lorsque j’allais le voir pour prendre de ses nouvelles et lui exprimer mon soutien, c’est moi qui sortais de chez lui, réconforté et soutenu. Ses yeux qui ne voyaient plus, étaient tournés vers le Christ, la lumière intérieure. Tel un ami de l’Epoux, il veillait, tout comme le Père Émile AMOUZOU-DAYE, dans la prière et dans le grand désir d’entrer avec l’Epoux dans la salle des Noces éternelles.
Frères et Sœurs,
Les voici à présent, nos deux frères Emile et Gustave, au seuil de la maison d’éternité. En 51 ans et 39 ans de sacerdoce, ils se sont efforcés de marcher sur le chemin de la sainteté, non pas, par leur propre force, mais par leur union au Christ, union à laquelle nous sommes tous appelés. La sainteté, c’est la vocation des humbles qui comptent sur la grâce de Dieu. Le magistère de l’Eglise nous dit que la sainteté, c’est la charité vécue pleinement, l’amour de Dieu par-dessus toute chose et l’amour du prochain. Que veut dire cela ? Cela veut dire qu’au seuil de l’éternité bienheureuse, une seule question nous sera posée : « as-tu aimé ? », et que dès maintenant, la question sur notre route de pèlerin est celle-ci : « aimes- tu » ?.
Frères et Sœurs,
Que le Seigneur nous donne la grâce d’une charité joyeuse et ardente, dans l’espérance du bonheur éternel, car celui qui aime a déjà franchi la mort, rien ne pourra le séparer de l’amour du Dieu vivant.
Demandons au Seigneur d’accueillir auprès de lui nos frères Émile et Gustave et de leur accorder la récompense promise aux serviteurs fidèles. Que la lumière sans fin brille à leurs yeux et qu’ils contemplent la face du Seigneur qu’ils ont tant aimé et désiré.
Amen